L’eau est une ressource indispensable à la vie sur terre. Apparue il y a 4 milliards d’années, son volume est resté constant et elle est considérée comme naturellement abondante, contrairement à d’autres ressources naturelles menacées d’épuisement.
Si cette ressource vitale semble inépuisable, plusieurs facteurs contribuent à en faire l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle.
Les inégalités d’accès à de l’eau douce non-gelée, les effets de la pollution induite par l’activité humaine et une demande croissante pour les besoins de l’agriculture et du développement économique des pays émergents contribuent à en faire une ressource rare et précieuse.
S’assurer que le robinet est bien fermé, prendre des douches plutôt que des bains ou encore couper l’eau pendant le brossage de dents, sont autant de recommandations faites aux individus afin de réduire leur consommation en eau ; Mais qu’en est-il de celle des entreprises ?
Avant de nous intéresser au rôle des entreprises dans la gestion et la préservation des ressources en eau, voici quelques définitions, dates historiques et chiffres clés pour mieux appréhender ces notions.
Définitions
Eau consommée : “eau prélevée qui n’est pas restituée au milieu après usage”
Eau restituée : “eau relâchée dans le milieu naturel sans perturbation de la disponibilité de la ressource ou de l’environnement”
Eau rejetée : “eau relâchée dans le milieu entraînant une perturbation de la disponibilité de la ressource ou de l’environnement”
Gestion de l’eau : Une gestion de l’eau optimisée étudie les volumes d’eau entrants, les volumes d’eau sortants, le type de source et sa disponibilité, les polluants et le traitement des eaux rejetées
Pollution de l’eau : “Altération de la qualité et/ou de la nature de l’eau qui rende son utilisation dangereuse et/ou qui perturbe les écosystèmes. Les origines de ces pollutions sont généralement l’activité humaine, les industries, l’agriculture, les décharges des déchets domestiques et industriels”
Empreinte eau : “C’est la mesure de l’usage d’eau douce, en volume d’eau consommée et/ou polluée pour la production d’un bien ou d’un service. L’empreinte eau est constituée de trois empreintes : l’empreinte eau verte, l’empreinte eau bleue et l’empreinte eau grise*”
Utilisation directe de l’eau : Eau utilisée directement par les individus
Utilisation indirecte de l’eau : Somme des “empreintes eau” des produits consommés
Évolutions historiques
1500 av J-C : Construction des premiers systèmes d’alimentation en eau, alors simples conduits ou tuyaux avant l’apparition des premiers aqueducs.
1992 : Adoption en France de la loi qui impose que toutes les habitations soient raccordées à un système d’assainissement.
1997 : Convention de New York : Adoption de la Convention des Nations Unies sur l’utilisation des voies d’eau internationales à des fins autres que de navigation. Elle entre en vigueur en 2015 après la signature du 35ème État.
2000 : Multiplication de la consommation d’eau par 7 par rapport à 19002
2003 : Création par des chercheurs de l’Index de Pauvreté en Eau (Water Poverty Index)
2003 : Début des conflits au Darfour, dont l’une des causes principales est la sécheresse et le manque d’eau. Ce conflit qui dure depuis plus de 17 ans a causé des centaines de milliers de morts.
2010 : L’ONU reconnaît l’accès à une eau potable de qualité et des installations sanitaires comme droit fondamental3
2015 : Adoption de l’Agenda 2030 par les 193 membres de l’ONU. Le 6ème objectif de Développement Durable vise à garantir un accès universel et équitable à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement, et à assurer une gestion durable des ressources en eau.
2017 : 80% des eaux usées mondiales résultant des activités humaines sont déversées dans les rivières ou la mer sans aucune dépollution4.
2018 : Le gouvernement sud-africain décrète l’état de catastrophe naturelle suite à une sécheresse historique.
Quelques chiffres
4 tonnes d’eau : quantité nécessaire en moyenne pour remplir l’assiette d’un Européen chaque jour5
148 litres : volume d’eau pour la consommation personnelle des Français (par personne et par jour)6
1 650 litres : volume d’eau nécessaire en moyenne pour la production d’un hamburger 7
20 000 litres : volume d’eau nécessaire pour la production d’un kg de chocolat 7
70% : pourcentage des personnes dans le monde ayant accès à l’eau courante chez eux4
70% : pourcentage de la consommation mondiale d’eau utilisée pour l’agriculture (22% pour l’industrie)8
7 000 milliards de litres : consommation d’eau par an de la Californie du Sud pour cultiver la luzerne (pour l’alimentation animale) 9
1200 : nombre de normes ISO relatives à l’eau (qualité de l’eau, empreinte eau, hydrométrie, agriculture et irrigation, infrastructure, valorisation, recyclage, traitement et élimination des boues, …)10
Pourquoi c’est important
L’eau est une ressource vitale qui n’a pas de substitut. Toutefois, si cette ressource semble inépuisable, plusieurs facteurs rendent les défis liés à l’eau de plus en plus complexes à relever.
En effet, la disponibilité en eau douce non-gelée est loin d’être illimitée et varie considérablement d’une région à l’autre du monde. Par ailleurs, l’eau possède dans la plupart des pays un prix d’achat qui ne correspond pas à sa valeur objective, ce qui conduit les acteurs publics et privés à la consommer sans réelle modération.
En parallèle, la croissance de la population mondiale, l’augmentation de la production agricole, l’urbanisation et le développement économique menacent d’accroître de façon considérable la demande en eau potable : irrigation, nettoyages, industries, refroidissement des procédés, demandent de plus en plus d’eau.
Enfin, le cycle de l’eau est une donnée essentielle pour bien comprendre le rôle que les entreprises ont à jouer dans la préservation de cette ressource essentielle : “La dégradation de la qualité de l’eau par la pollution rend inutilisable des quantités d’eau beaucoup plus grandes que celle utilisée par le processus consommateur ; la pollution des nappes phréatiques par les activités environnantes (ex : agriculture trop intensive, hôpitaux, stations d’épuration vétustes…) a ainsi des conséquences sur toutes les populations dépendant de cette ressource.”
La gestion de l’eau est donc un enjeu de taille pour les entreprises, et cela se ressent déjà dans certains pays. En Australie, le législateur a même pris des dispositions particulièrement contraignantes pour ces dernières : la loi Water Act régule depuis peu la disponibilité de l’eau auprès des fermiers, des industriels et des villes. Ce droit à l’eau est calculé en fonction des besoins, des prévisions météorologiques et des réserves existantes. Cette loi s’accompagne d’un nouveau marché financier permettant l’achat et la vente de mégalitres (un million de litres). Sa valeur est en moyenne de 500$. Nous sommes donc au début d’une révolution financière de l’eau.
L’eau figure également à l’agenda des Nations Unies pour 2030.
L’ODD n°6 lui est consacré et vise à “garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau.”11
Toutefois, si un certain nombre d’entreprises s’efforcent de mieux comprendre et de mieux gérer les risques physiques, juridiques et réputationnels liés à leur usage de la ressource en eau, la gestion de l’eau au sein des entreprises reste encore peu optimisée.
Comment s’y mettre ?
Les entreprises ont une “empreinte eau”, définie par le prélèvement ou la consommation d’eau dans leurs processus de production et d’approvisionnement, par leurs rejets d’eau, puis par la consommation d’eau au cours de l’utilisation et de la fin de vie de leur produits.
En plus de l’empreinte eau, la gestion de cette ressource doit être analysée sous le prisme de la “contrainte eau”, qui fait état des risques liés à l’eau pour l’activité des entreprises. Trois grandes catégories de risques sont à prendre en compte : les risques physiques (disponibilité, défaillance des infrastructures, pollution), les risques réglementaires (prix de l’eau, restrictions) et les risques de réputations (regard des consommateurs et des ONG, exigence de transparence)12.
Pour commencer, il faut ainsi faire l’état des lieux de la consommation et des rejets en eau, pour ensuite élaborer un plan d’action avec des indicateurs précis afin d’optimiser la gestion de cette ressource.
Plusieurs outils peuvent être utilisés :
- Water Sustainability Tool : Identification de la contrainte eau, mesure de l’empreinte eau et proposition de pistes stratégiques
- Water Footprinting : Mesure de l’empreinte eau
- Global Water Tool : Identification de la contrainte eau et mesure de l’empreinte eau
Cet état des lieux permettra par exemple aux entreprises de relocaliser leurs cultures et élevages dans des zones non soumises à un stress hydrique, de visualiser le gain à utiliser des appareils économes ou de réparer une fuite d’eau, ou encore de modifier son packaging pour choisir un emballage éco-conçu.
*https://waterfootprint.org/en/water-footprint/what-is-water-footprint/
Sources
- 1https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/eau-y-t-il-eau-douce-monde-805/
- 2https://www.wri.org/our-work/topics/water ; http://www.fao.org/aquastat/en/overview/methodology/water-use
- 3https://www.lemonde.fr/planete/article/2010/07/29/l-acces-a-l-eau-potable-devient-un-droit-de-l-homme_1393627_3244.html
- 4https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/water-and-sanitation/
- 5https://www.mtaterre.fr/dossiers/comment-nourrir-9-milliards-dhommes-en-2050
- 6https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/eau-consommation-eau-habitant-france-908/
- 7 https://waterfootprint.org/en/resources/interactive-tools/product-gallery/
- 8http://www.oecd.org/fr/agriculture/sujets/eau-et-agriculture/
- 9https://thealfalfaproject.com/
- 10https://www.iso.org/fr/publication/PUB100293.html
- 11https://www.coalition-eau.org/actualite/un-water-publie-son-rapport-de-synthese-2018-sur-l-odd-6-relatif-a-l-eau-et-a-l-assainissement/
- 12http://www.epe-asso.org/lentreprise-et-leau-vers-une-gestion-responsable-etude-deloitte-epe-2012/