Le tourisme international a connu une croissance exponentielle au cours des dernières décennies. Apparu en Europe au XIXᵉ siècle, le tourisme est passé d’une pratique culturelle réservée à une élite à un phénomène de masse. On estime qu’en 2018, 1,4 milliard de personnes sont arrivées dans un pays qui n’était pas le leur pour un séjour touristique, soit une fréquentation en hausse de 5,4 % sur un an.
Le caractère transversal du tourisme lui confère un statut particulier et en fait un enjeu majeur de développement pour les territoires, qui profitent de ses retombées économiques, de sa capacité à booster l’emploi local et à faire rayonner la culture autochtone.
Première industrie mondiale, le tourisme est aujourd’hui le symbole de la mondialisation mais également de ses excès. De fait, s’il est communément source de bienfaits pour les territoires, le revers de la médaille est tout aussi varié.
Les dérives du tourisme de masse sont aujourd’hui connues et documentées. Ce dernier est responsable d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre et contribue activement au dérèglement des écosystèmes. Ses effets pervers ne se limitent pas au domaine environnemental : peur de la perte d’identité, précarisation d’une partie de la population, dérèglement du marché de l’immobilier sont également les symptômes d’un tourisme de masse généralisé.
Ces externalités négatives ont contribué à l’émergence d’un nouveau type de tourisme : le tourisme responsable. En plein essor, ce dernier vise à limiter les impacts sociaux, environnementaux et économique du tourisme de masse.
Le tourisme responsable, alternative au tourisme de masse et à ses conséquences désastreuses prône l’échange, le partage et le respect des populations locales mais il permet aussi de valoriser certaines destinations encore méconnues et de répondre aux attentes des clients qui semblent évoluer. En effet, les voyageurs sont de plus en plus enclins à voyager de façon responsable. Ils sont davantage sensibilisés au développement durable et à l’impact de leurs actions sur l’environnement.
Nous allons donc nous pencher sur cette conception alternative du tourisme, sur ses enjeux et sur les bonnes pratiques pouvant être mises en œuvre.
Mais avant cela, quelques définitions.
Définitions
- Le tourisme responsable vise à appliquer au tourisme les principes du développement durable en conciliant développement économique avec respect de l’environnement et des coutumes locales.
- Le tourisme équitable consiste à appliquer au tourisme les principes du commerce équitable. L’objectif est d’assurer aux populations locales vivant sur et aux alentours des lieux touristiques une part des revenus générés par ce secteur et de les impliquer totalement ou en partie dans la mise en place de ces activités.
- D’après l’Organisation Mondiale du Tourisme, le tourisme durable correspond à « un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil ».
- Le tourisme participatif c’est le fait de construire des relations entre les populations d’accueil et les touristes dans l’objectif de créer une réelle alchimie entre les visiteurs et les hôtes. On veut développer un lien social et retrouver une forme d’hospitalité.
- Le tourisme de masse est fondé sur l’accès au plus grand nombre au tourisme et sur l’individualisation des pratiques, standardisées ou personnalisées, répétitives ou innovantes. C’est le type de tourisme que l’on trouve dans des espaces aménagés pour accueillir un grand nombre de voyageurs, à des prix abordables.
Dates clés
- 1960 : naissance du concept de tourisme de masse avec la généralisation des congé payés.
- 1980 : conférence mondiale sur le tourisme.
- 1992 : Sommet de Rio, vote de l’agenda 21 et définition de l’objectif du développement touristique durable : « rendre compatible l’amélioration des conditions environnementales et sociales qui résultent du développement touristique avec le maintien de capacités de développement pour les générations futures ».
- 1995 : conférence mondiale du tourisme durable et définition des principes du tourisme durables et de la charte mondiale du tourisme durable.
- 1999 : l’organisation mondiale du tourisme adopte un codé éthique avec un ensemble de principe destiné aux acteurs du développement touristique dans le but de maximiser les effets bénéfiques du tourisme et de minimiser l’impact sur l’environnement et le patrimoine culturel.
- 2000 : Sommet mondial sur la paix par le tourisme en Jordanie et Déclaration d’Amman sur la paix par le tourisme.
- 2004 : actualisation des principes du tourisme durable par le comité de développement durable du tourisme de l’OMT.
- 2004 : Création de l’association Agir pour un tourisme responsable qui est la première association française rassemblant les acteurs du voyage responsable.
- 2006 : Création du groupe de travail international sur le développement du tourisme durable.
- 2010 : Lancement du partenariat Mondial pour le tourisme durable piloté par le Programme des Nations Unies pour l’environnement.
- 2017 : Année internationale du tourisme durable pour le développement qui est proclamé par l’ONU.
Chiffre clés
- Le tourisme étant la première industrie mondiale (800 millions de voyageurs internationaux).
- D’après l’OMT, le tourisme en 2015 représente 7 % du PIB français, 10% du PIB mondial, un emploi sur onze, 6% des exportations mondiales et 30 % des exportations de services.
- Selon l’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme), 95 % des touristes mondiaux se concentrent sur moins de 5 % des terres émergées.
- En moyenne dans les régions tropicales, 27 litres d’eau sont consommés par jour et par habitant contre 100 litres par jour et par touriste.
- Un bateau de croisière produit 7000 tonnes de déchets par an.
- Le tourisme, c’est aussi 60% du trafic aérien.
- D’après le ministère de la transition écologique, le tourisme est à l’origine de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
- La croissance du tourisme d’ici à 2050 aura pour effet d’accroître la consommation d’énergie de 154% et les émissions de GES de 131%.
- Le tourisme représente 231 millions d’emplois directs et indirects, soit 8% de l’emploi total.
Pourquoi, c’est important ?
La pandémie du Covid19 a envoyé un signal fort à l’industrie du tourisme, et a montré à quel point la mondialisation était fragile et potentiellement menacée.
Réelle alternative au tourisme de masse, le tourisme responsable gagne du terrain. Pour mieux appréhender l’intérêt d’une telle démarche, il faut être conscient des coûts sociaux et environnementaux évités, et donc des effets néfastes du tourisme de masse.
Sur le plan environnemental, le tourisme a un bilan particulièrement lourd.
Selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Sydney (Australie), ce dernier serait à l’origine de 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), si l’on inclut dans son champ les transports, l’hébergement, la restauration et les achats des voyageurs. Le transport aérien est principalement en cause : plus de la moitié des 1,4 milliard de touristes dans le monde en 2018 ont été transportés par avion, rapporte l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
Cependant, les émissions de GES sont loin d’être les seules externalités négatives du tourisme de masse. Ce dernier génère également d’importantes quantités de déchets, dont la gestion et le traitement entraînent eux aussi de lourdes conséquences. Selon un rapport de WWF, 52% des détritus seraient liés au tourisme balnéaire en mer Méditerranée.
Enfin, le tourisme est en partie responsable de la destruction de certains écosystèmes dont l’équilibre est fragile, et de la raréfaction, voire de la disparition de certaines espèces (trafic d’animaux pour fabriquer des souvenirs, perturbation des espèces, destruction de la végétation). En Thaïlande, la plus célèbre plage du pays, Maya Bay, a été fermée par les autorités thaïlandaises jusqu’en 2021 pour permettre aux récifs coralliens de se reformer et ainsi empêcher l’érosion de la baie. L’écosystème fragile des lieux a été endommagé pendant des années par les bateaux à moteur qui stationnaient dans la baie pour faire visiter la plage aux touristes.
Effets néfastes sur les populations locales
D’un point de vue social, le tourisme de masse impose la construction de grandes infrastructures de type routes et complexes hôteliers qui engendrent l’exode rural et l’abandon par les populations locales de leur territoire au profit des centres touristiques. Cette concentration de la population a de nombreuses effets néfastes : déracinement, violence, création de bidonvilles.
Par ailleurs, le tourisme de masse nuit également à la qualité de vie des locaux : rues et transports surchargés, nuisances sonores, plages bondées… Les commerces de proximité cèdent la place à des bars et des boutiques de souvenirs. La prolifération d’hôtels et d’hébergements touristiques engendre une pénurie de logements pour les habitants et une hausse des prix de l’immobilier.
Enfin, le tourisme de masse constitue une menace pour le patrimoine culturel : Certains lieux ne sont pas adaptés pour recevoir un trop grand nombre de voyageurs et manquent d’infrastructures. À Venise, près de 30 millions de personnes visitent la ville chaque année, quand celle-ci ne compte que 55 000 Vénitiens. Cela représente une proportion de 545 touristes par habitant. L’Unesco a demandé à la ville de trouver des solutions concrètes pour la préservation de la lagune, faute de quoi Venise serait inscrite sur la liste du Patrimoine mondial en péril.
De plus en plus de sites touristiques menacés par le surtourisme ont instauré des quotas de visiteurs pour protéger leur patrimoine culturel comme le parc Güell à Barcelone ou la cité inca du Machu Picchu au Pérou.
Au vu de ces constats, la nécessité de promouvoir des alternatives au tourisme de masse semble impérieuse. C’est ce qu’entend faire le tourisme responsable. Il est à la fois bénéfique aux populations défavorisées et aux professionnels du secteur touristique qui voient en cette nouvelle manière de voyager l’occasion d’exploiter un nouveau segment de marché. De fait, des touristes de plus en plus nombreux cherchent à vivre des expériences plus authentiques et plus respectueuses des locaux.
Il est donc primordial que les acteurs publics locaux prennent conscience du potentiel à long terme du tourisme responsable, et agissent en conséquence.
Comment s’y mettre
Afin de lutter contre les effets négatifs du tourisme classique, le tourisme responsable prône une vision alternative qui repose sur trois piliers principaux :
- Participer au développement économique local : au même titre que le tourisme équitable, le tourisme responsable entend participer à l’épanouissement des populations locales. Pour cela, les voyageurs et les intermédiaires s’engagent à participer à l’économie du pays visité, à assurer une rémunération juste aux prestataires et à promouvoir de meilleures conditions de travail.
- Préserver la nature : l’objectif est de préserver les ressources naturelles locales, notamment en privilégiant des destinations moins prisées.
- Rencontrer la population locale : contrairement au tourisme de masse, où le vacancier est généralement à l’écart des autochtones, le tourisme responsable promeut l’immersion parmi les locaux.
Le tourisme responsable nécessite des évaluations et des contrôles constants des effets de son activité touristique et donc l’adoption des mesures correctrices et préventives adéquates. Nous pouvons toutefois citer quelques bonnes pratiques à mettre en place pour atteindre les objectifs visés par le tourisme responsables :
- Privilégier des modes de transport non-polluants et alternatifs.
- Compenser ses propres émissions de CO2 en participant à des projets de développement local.
- Préférer voyager moins souvent, mais plus longtemps afin de pouvoir s’imprégner de la culture locale et rencontrer les habitants.
- Acheter des produits locaux et au juste prix.
- Ne pas exiger un confort inadapté au pays visité.
- Respecter les populations et la nature.
Le tourisme participatif, autre facette du tourisme responsable, a également le vent en poupe et offre de belles alternatives au tourisme classique. Nous pouvons citer quelques pratiques :
- Le couchsurfing est une pratique basée sur l’hospitalité qui consiste à loger gratuitement chez des particuliers. Des hôtes accueillent des voyageurs pour quelques nuits, sur un bout de canapé ou dans la chambre d’amis, pour le simple plaisir de la rencontre et de l’échange.
- Le woofing : repose sur un mode d’échange « gagnant-gagnant » : une ferme biologique bénéficie des services d’un voyageur en échange du gîte et du couvert.
- Les Greeters sont des bénévoles qui se portent volontaires pour accueillir gratuitement des touristes afin de leur faire découvrir leur ville et leur région.
Sources
- https://www.ademe.fr/particuliers-eco-citoyens/vacances-loisirs/passer-vacances-plus-ecologiques
- http://www.tourisme-durable.org/tourisme-durable/definitions
- https://www.novethic.fr/lexique/detail/tourisme-responsable.html
- https://www.vie-publique.fr/eclairage/24088-le-surtourisme-quel-impact-sur-les-villes-et-sur-lenvironnement